Gaza s'enfonce au milieu de l'hostilité d'Israël, de l'Egypte et de ses frères palestiniens
The Economist
17-01-2015
La tempête hivernale qui frappe Gaza depuis la Méditerranée ajoute son lot de détresse à Gaza. Dans les régions arasées durant la guerre israélienne de l'été dernier, des familles se blottissent sous des bâches en plastic au milieu des décombres. Quand les ONGs arrivent avec de l'aide humanitaire les gens se battent pour des couvertures. Ceux qui ont encore une maison restent au lit pour se réchauffer à cause de la pénurie d'électricité. Au poste frontière vers Israël, les malades et les mourants restent étendus sur des brancards pendant des heures devant les portails métalliques, sollicitant l'accès à de traitements médicaux que leurs hôpitaux ne peuvent leur fournir faute de médicaments ou d'équippements. Les commerces qui ont survécu aux bombardements sont pour la plupart à l'arrêt à cause des restrictions israéliennes à l'exportation et de la fermeture par l'Egypte des tunnels de contrebande.
Gaza a été brisée par trois offensives israéliennes en cinq ans; huit ans de blocus économique; le règne du parti unique Hamas, un groupe islamiste armé; et un président distant, Mahmoud Abbas, qui a largement abandonné le territoire perdu en 2007 au profit du Hamas. Le système social branlant qui maintenait plus ou moins l'unité de Gaza est entrain de s'éffondrer.
Les nombreuses initiatives pour relâcher l'étranglement n'ont rien donné. L'été dernier, Ismail Haniyeh, le premier ministre du Hamas d'alors, a formellement rendu son enclave en faillite au "gouvernement d'unité" sous l'Autorité Palestinienne de M. Abbas. Mais l'accord de partage du pouvoir a laissé les forces du Hamas en charge de la sécurité, entretenant la méfiance d'Abbas. Il a donc hésité à transférer les fonds du Qatar pour payer les salaires des fonctionnaires de Gaza. Ceux nommés par le Hamas ont été sommés de démissionner et re-postuler pour leur poste de travail qui serait soumis à l'approbation du Fatah.
Les employés du Hamas sont allés travailler malgré le fait qu'ils n'ont reçu que trois versements partiels de salaire en 18 mois. "Nous ne laisserons pas Gaza s'effondrer" insiste un officier au poste de contrôle des passeports du Hamas. Mais les manifestations, souvent par des employés impayés, ont triplé depuis septembre. Le 13 janvier les policiers se sont écartés pour laisser les manifestants faire irruption dans une réunion de cabinet. "Nous avons dépensé nos derniers shekels il y a deux mois" s'est excusé un des officiels de M. Abbas à Gaza, pour se défendre face aux manifestants. Des bombes explosent près des distributeurs de billets.
Les tentatives pour convaincre l'homme fort d'Egypte, Abdel-Fattah al-Sisi, d'assouplir les restrictions aux frontières ont également échoué. Une proposition d'ouvrir la frontière de Rafah pendant 3 jours a été avortée après l'assassinat d'un garde-frontière égyptien dans le Sinaï voisin, lors d'une vague de violence djihadiste que les officiels égyptiens prétendent alimentée en partie par des mouvements radicaux de Gaza.
Le premier ministre israélien Binyamin Netanyahu s'est montré de même résistant aux pressions. Le cesser-le-feu de l'été dernier n'a été à la hauteur ni de la promesse de lever le blocus, ni des milliards de dollars promis pour la reconstruction. Israël a rompu les négociations sur la réouverture des frontières; le recours aux armes et aux roquettes n'a rien rapporté au Hamas à part destruction et 2'100 morts. Le mois dernier Israël n'a laissé entrer qu'un dixième du ciment nécessaire à la reconstruction selon l'ONU; du béton que les palestiniens ne peuvent acheter par manque d'argent.
Les forces de sécurité du Hamas autrefois sérieuses se comportent maintenant de façon plus erratique. La branche armée du Hamas, les Brigades al-Qassam, s'affichent régulièrement dans d'arrogantes parades martiales pleines de drones fabriqués localement. Le Fatah de Mr Abbas a interdit les rassemblements du Hamas pour marquer son 50e anniversaire et a déshabillé les organisateurs ne leur laissant que leurs sous-vêtements. Des dirigeants du Fatah ont récemment été réveillé un matin au son des bombes placées devant leur villa, et les rares ministres encore à Gaza ont reçu des menaces de mort sur leur téléphone portable.
Le rêve des enfants de Gaza de s'enfuir.
Les weekends les parents les emmènent visiter de loin le seul passage vers Israël. "Papa, pourquoi ne devenons-nous pas chrétiens?" demande Walid, un garçon de 8 ans, après avoir entendu qu'Israël a autorisé son copain chrétien à visiter Betlehem à Noël. Ces derniers temps Israël a arrêté environ 20 garçons tentant de grimper par-dessus la frontière. Une vraie prison pourrait être mieux que la vie dans la prison à ciel ouvert de Gaza, dit le père de Walid. Et s'il est tué par balle? Il rit, une mort rapide est meilleure qu'une mort lente en action promotionnelle.
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